Cambodge Soir, 7 Décembre 2006

Des écrits contemporains à l'honneur
dans un recueil

Mélodie Tissot
 

 


Le recueil de littérature, et à droite, Sam Sophearin, l'un des auteurs sélectionnés qui, à 29 ans, compte déjà à son actif plusieurs prix et parutions.

 

Une véritable consécration pour les uns, une marque de reconnaissance renouvelée pour les autres, en tout cas une grande fierté pour ces quinze auteurs cambodgiens qui célébraient vendredi dernier la parution d'un recueil de littérature khmère contemporaine. Edité par l'Institut Reyum avec le soutien de la fondation Albert Kunstadter, l'ouvrage s'adresse à tous les publics, des jeunes enfants aux adultes, rassemblant des plumes de tous âges et de tous horizons : des étudiants, des journalistes, des professeurs ou de simples salariés. "Il faut entendre littérature contemporaine dans le sens où ce sont des créations actuelles de jeunes auteurs, et non pas des histoires qui se situent dans les années 2000. Publier cet ouvrage participe de notre volonté de soutenir la littérature contemporaine dans le pays. Ce qu'on veut, c'est créer une atmosphère propice à la discussion littéraire, et ce recueil est un bon début pour qu'elle s'engage. C'est fondamental d'apporter un travail critique constructif pour les auteurs d'aujourd'hui", explique Ly Daravuth, directeur de l'Institut Reyum.

L'ouvrage est le résultat d'un concours organisé en 2002 par Reyum. Près de 160 textes ont été soumis à un jury composé de libraires, de professionnels de l'édition et d'acteurs majeurs du milieu littéraire du pays. Les histoires devaient s'adresser à trois types de lectorat : les moins de 8 ans, les jeunes de 9 à 12 ans, et les 13 ans et plus. Quinze prix ont été décernés, à raison de cinq par catégorie.

Ce sont ces lauréats, cinq filles et dix garçons âgés de 19 à 60 ans, qui ont vu leurs nouvelles publiées dans cette Sélection de contes contemporains, un recueil varié où contes pour enfants côtoient chroniques sociales et histoires fantastiques.

Sam Sophearin a remporté le premier prix pour les 13 ans et plus. Jeune étudiant en droit âgé de 29 ans, il a été récompensé pour Sans mère, une nouvelle dépei--gnant les difficultés rencontrées par deux jeunes orphelins sans ressources et livrés à eux mêmes. "Mon histoire aborde différents sujets : l'importance du lien maternel et de l'éducation donnée par la mère, plus déterminante à mon avis que celle donnée par le père.

J'évoque aussi le sida, car les parents de ces deux jeunes garçons en sont morts. Je crois qu'il est fondamental qu'un livre apporte quelque chose, renferme en lui des enseignements", relève ce jeune auteur qui écrit depuis l'âge de 17 ans et qui compte déjà à son actif plusieurs prix et parutions. Secrétaire de rédaction dans un journal cambodgien, il puise la matière de ses écrits dans les articles qu'il relit et corrige jour après jour. Il avoue cependant avoir un faible pour les histoires d'amour, et s'il reconnaît qu'il s'agit du genre qui rencontre effectivement le plus de succès auprès du public, il affirme écrire des contes sentimentaux par choix et par plaisir : "De toute façon, je n'écris pas pour gagner de l'argent. J'écris parce que j'aime ça. Dans ce pays, écrivain, ce n'est pas un métier. Les livres coûtent trop cher et il y a très peu de lecteurs." "Aucun des auteurs publiés dans ce recueil ne vit de sa plume", relève en écho Ly Daravuth. "La raison d'être de notre Institut c'est de soutenir ce marché culturel balbutiant et encore trop onéreux pour la plupart des Cambodgiens. Et il y a une réelle volonté d'écrire au sein de la jeune génération. L'une de nos 'aj-réates par exemple travaille dans une agence de voyages. Lors de son passage devant le jury, elle s'est excusée de ne pas être un écrivain professionnel, alors qu'elle écrit tout le temps!", ajoute-t-il. Sam Sophearin a de son côté financé lui-même, avec l'aide d'amis, la publication de deux de ses ouvrages. Il en a imprimé 2 500 exemplaires au total, en vente à perte. "Ecrire, c'est mon petit plaisir personnel. En ce moment, je n'ai plus trop le temps à cause de mon travail et de mes études, mais c'est temporaire. Je sais que jamais je ne cesserai de raconter des histoires."

A côté de Sans mère, on peut retrouver ainsi dans le recueil L'ogre volant, L'avare, ou encore Le flûtiste, des récits toujours emprunts d'une certaine morale où sont instillés les principes fondamentaux qui permettent de conduire une vie honnête et tranquille. Dans ces récits, on saute d'un style à l'autre, passant d'un langage familier aune prose plus soutenue.

Si ce n'est pas mentionné sur la couverture du recueil de littérature khmère contemporaine, un second tome suivra, qui puisera à nouveau dans les manuscrits recueillis dans le cadre du concours organisé en 2002. Mais cette fois-ci, la sélection retenue sera le fait uniquement des membres de l'Institut Reyum et non plus du ressort du jury.